– « La Russie n’est plus communiste. C’est le Canada qui l’est rendu ! » lance Gaétan Proulx, locataire dans un édifice à logements du 40 boulevard Sacré-Coeur, à Gatineau. Des locataires, rencontrés hier par Le Droit, étaient presque unanimes : l’idée d’interdire de fumer dans son propre appartement n’a tout simplement pas de bon sens. Âgé de 69 ans, M. Proulx fume depuis qu’il a 15 ans. Il se dit en forme et n’est pas sur le point d’arrêter. Il estime qu’au moins 60 % des locataires des édifices du 40 et 50 Sacré-Coeur sont des fumeurs. « Je trouve que c’est rendu un peu trop loin. »
La semaine dernière, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a informé ses membres qu’ils peuvent déclarer un logement non fumeur lors d’un changement de locataire. Cette déclaration a été faite alors qu’en Ontario, le gouvernement considère l’interdiction de fumer dans les immeubles à logements. « Je trouve ça stupide, dit Daniel, un autre locataire du 40 Sacré-Coeur. Tu payes ton loyer, mais tu n’es pas chez vous. Je ne fume pas chez moi, mais je respecte le droit des fumeurs. » Une autre locataire rencontrée, Mme Aubin, qui ne fume pas non plus, estime qu’un tel règlement brimera le droit des gens dans leur propre demeure. ” J’ai aussi des enfants qui fument. Si c’est interdit, ils ne voudront plus venir me voir. » « Ça, c’est con. Ça n’a pas de bon sens, dit Jocelyne Crispin. Là, on parle d’interdire de fumer dans les appartements. La prochaine chose, ce sera l’interdiction de fumer dehors ? Le monde va capoter. » « On ne peut pas rendre le monde prisonnier dans leur propre appartement », affirme de son côté Cécile Thivierge, une fumeuse qui habite le 40 Sacré-Coeur depuis 18 ans. Mme Thivierge est d’accord avec l’interdiction de fumer dans la salle communautaire, dans les corridors ou les ascenseurs de l’édifice. Mais dans les appartements, c’est trop. « Pour ces retraités, c’est souvent le seul plaisir qui leur reste. N’essayez pas de faire arrêter de fumer quelqu’un qui a 75 ans. »
À l’édifice Le Blackburn, au 295 boulevard Saint-Joseph, Louis Villemaire n’est pas d’accord non plus. Après avoir loué quelques mois, il s’est porté acquéreur d’un condo dans l’édifice. « Si je n’avais pas pu fumer, je n’aurais pas acheté », a dit M. Villemaire, qui grillait une cigarette, hier matin, devant l’édifice. Ce qui est important, selon lui, c’est qu’un édifice ait une bonne ventilation pour ne pas
incommoder les non-fumeurs. M. Villemaire affirme que le conseil d’administration de l’édifice à logements où il habite pourrait, en théorie, décider que l’édifice devient non fumeur. Mais il doute qu’une telle décision soit prise. Il se demande, par ailleurs, comment un propriétaire d’un édifice, ou une Ville, pourrait mettre en
vigueur un règlement antitabac dans des appartements privés. « Comment vont-ils faire appliquer ça ? Et qui exécutera ce pouvoir ? »
SOURCE : Le Droit, La Région, mardi, 3 avril 2007, p. 7
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