– Locataires qui cherchez un logement, ne faites pas le saut si le bail qu’on vous propose contient une clause non fumeur. Des propriétaires à travers le Québec ont commencé à interdire l’usage du tabac dans leurs logements et tout semble indiquer jusqu’à maintenant qu’ils sont dans leur bon droit. Un nouveau front dans la lutte contre la cigarette se dessine : défense de fumer chez soi. Le mouvement risque de faire du bruit. Il revient à chaque propriétaire de gérer la situation. On ne parle pas ici de loi. En fait, un propriétaire peut inclure dans un bail une clause non fumeur, mais les locataires fumeurs déjà en place bénéficient d’un droit acquis. La Régie du logement l’a reconnu. Il restera sans doute aux fumeurs mécontents, poussés dans leurs derniers retranchements, à porter plainte à la Commission des droits de la personne. Ça n’a pas encore été essayé, mais ça ne saurait tarder. À ceux qui seraient prompts à blâmer l’intolérance des Québécois, il est à noter qu’ailleurs au Canada, des immeubles sans fumée ont commencé à s’imposer. En Ontario, le ministre de la Santé ne serait pas contre l’idée d’en faire même une loi. Là-bas, le débat est lancé. Nos fumeurs pestent encore contre la Loi québécoise sur le tabac qui interdit depuis presque un an le tabac dans les restaurants, les bars, les bingos, les salles de quilles, les taxis, les centres commerciaux. La loi stipule aussi que dans les aires communes d’immeubles à logements de plus de six unités, il est défendu de fumer. L’interdit ne touche cependant pas les locataires à l’intérieur de leur logement. Jusqu’à maintenant, la lutte au tabagisme s’est faite avec succès sous l’angle de la santé publique. Les dernières restrictions au tabagisme du mois de mai dernier ont même incité beaucoup de Québécois à écraser pour de bon. Tout cela est très positif. Il y a bien les propriétaires de bars qui chialent encore, mais les restaurateurs, eux, n’y voient pas l’hécatombe appréhendée. Sauf que dans le cas présent, on ne parle pas exactement de limitation au nom de la santé publique. On parle davantage de propriétaires qui voudraient interdire le tabac pour diminuer les frais de nettoyage d’un logement qui se libère après avoir été occupé par un fumeur. On parle de propriétaires qui voudront sensibiliser les assureurs au fait qu’un immeuble sans fumée est moins à risque d’incendie. Certains prétendent que la boucane d’un locataire fumeur peut s’introduire chez les voisins par les prises électriques ou à cause d’une mauvaise isolation. Il y aura une démonstration à faire ici. Y a-t-il eu beaucoup de plaintes à cet égard chez les locataires non fumeurs ? Deuxième grande question : celle de l’application concrète de cette interdiction. Va-t-on envoyer des inspecteurs dans les logements pour renifler les tapis ? Chose certaine, on entre ici en terrain extrêmement sensible, celui de la vie privée. Les restrictions publiques faites jusqu’à maintenant par le gouvernement étaient tout à fait justifiées et d’ailleurs, le Québec n’a rien précipité, il était au contraire bien en retard sur ce qui se fait ailleurs au pays et aux États-Unis. Les mentalités par rapport au tabac ont énormément évolué ces dernières années. Gatineau vient de donner un nouveau tour de vis en étant, semble-t-il, la première ville québécoise
interdisant à son personnel de fumer dans ses véhicules : voitures de police, camions à incendie, etc. À Gatineau, il est dorénavant interdit d’en griller une à moins de neuf mètres des édifices publics comme l’hôtel de ville, la bibliothèque, le centre sportif, etc. Tout comme le stipule la Loi en regard des écoles et des hôpitaux. Les Québécois sont-ils mûrs maintenant pour bannir le tabac des immeubles à logements ?
SOURCE : Le Nouvelliste (Trois-Rivières), Opinions, samedi, 31 mars 2007, p. 16
Gagnon, Ginette
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