– Le bras de fer ne fait que commencer entre les propriétaires et les locataires désireux d’interdire le tabac dans leurs immeubles, et les fumeurs et les associations qui défendent leur droit de consommer un produit légal ou d’accéder à un logement. C’est dans ce contexte particulier que Santé Canada vient de clore une vaste campagne visant à protéger les enfants du tabagisme passif à la maison et dans l’auto. Selon les derniers résultats de l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada, si 74 % des foyers canadiens sont non-fumeurs, 10 % des enfants de moins de 12 ans, soit 379 000 d’entre eux, se voient régulièrement exposés au tabagisme passif. Mince réconfort, cette statistique atteignait 900 000 enfants en 2000. Le Québec traîne toujours la patte avec 56 % de domiciles sans fumée. Il s’agit néanmoins d’une augmentation de 6 % depuis le printemps, ce qui contredit les pronostics alarmistes voulant que les bars et restos non-fumeurs entraîneraient une hausse du tabagisme à domicile.
Il y a encore loin de la coupe aux lèvres cependant pour que nos enfants soient à l’abri de la fumée secondaire, dont certains impacts restent méconnus. Les moins de 12 ans, qui passent de plus en plus de temps à l’intérieur, respirent plus vite que les adultes et aspirent un plus grand volume d’air en proportion de leur poids; ils ingèrent donc plus de polluants. Le tabagisme passif les expose à une insuffisance de leur fonction pulmonaire, à une irritation des yeux, du nez et de la gorge, à une vulnérabilité accrue à l’asthme, à la pneumonie, à la bronchite et leur fait courir trois fois plus de risques de développer une maladie cardiaque. Une brochure de Santé Canada révèle que le fait de fumer dans une même pièce de la maison, en l’absence des enfants ou près d’une hotte, ne suffit pas à les protéger. Les toxines contenues dans la fumée peuvent subsister des jours après avoir été consommées. Dans l’auto, il est encore plus dommageable de fumer, même la fenêtre ouverte, qu’à la maison.
Si la menace de se voir empêcher de fumer chez soi pointe à l’horizon, l’idée d’interdire le tabac dans les véhicules transportant des enfants gagne des adeptes, même si aucune province canadienne n’a encore légiféré en ce sens. L’Ontario reste sourde à une telle requête, émise par l’Association médicale ontarienne, mais l’Arkansas, la Louisiane et le Texas protègent déjà les jeunes de la fumée secondaire en auto depuis 2006. D’autres États américains, comme l’Ohio, sont en avance sur le Canada dans la lutte au tabagisme passif. Un père non-fumeur s’est vu confier la garde de son enfant hospitalisé à répétition à cause d’un état de santé aggravé par le tabagisme de la mère. Le comportement de celle-ci avait été condamné aussi sévèrement que si elle avait négligé de nourrir son rejeton ou de le confier à un médecin. À la lumière de ces exemples, devrait-on en arriver à légiférer spécifiquement afin de protéger les enfants à la maison ou dans l’auto ?
Dans un monde idéal, la bonne volonté des fumeurs suffirait à remédier au problème. En fait, dans un monde encore plus idéal, le problème n’existerait pas.
SOURCE : Le Nouvelliste (Trois-Rivières), Opinions, mercredi, 11 avril 2007, p. 15
Olivier Kaestlé, Trois-Rivières
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